Sarahenchine est une agence photo créée par Sarah Neiger, spécialisée dans la diffusion de photos vintage de Chine et de Thaïlande. Qui dit photo vintage dit grain particulier, flou surprenant et lumière inégalée. Et à l’ère du parfait numérique et du filtre instagram, l’agence suspend le temps et répond à un besoin : donner du sens au vécu.
Dans les réserves de Sarahenchine, inaugurée en mai dernier, on croise des regards et des sourires d’une Asie à la fois lointaine et familière, on vit un instant fugace d’intimité avec des inconnus immortalisés sur papier argentique en noir et blanc, jaunis par le temps. Dans la tendance actuelle de la photo vintage, qu’une grande majorité de photographes sur instagram cherchent à approcher avec leurs filtres, on se dit que l’agence photo Sarahenchine arrive à point nommé pour combler cette nostalgie ou cette envie de la patine d’autrefois.
La fondatrice Sarah Neiger est une iconographe et commissaire d’expositions chevronnée qui a vécu plus de onze ans entre la Chine, Hong-Kong et Hanoï et dont l’Asie impacte sa vie depuis plus de trente ans. En 2002, elle créée l’agence Traffic d’Images à Pékin et couvre l’actualité pour des médias comme Libération, Paris-Match ou Télérama. Son agence photo parisienne est le prolongement de cette aventure photographique chinoise et constitue « une aventure plus personnelle où (elle) propose son propre regard sur l’image » comme elle le précise. Sarah Neiger a rencontré la Chine en 1989, année particulière pour le pays qui connaît les évènements de Tian’anmen. A son arrivée, la loi martiale est toujours de rigueur et ne sera levée qu’en janvier 1990. Toute jeune fille de 19 ans, elle accompagne son compagnon de l’époque, photojournaliste et se retrouve rapidement happée par la culture et le contexte du pays. Elle explique : « l’Asie a été le parfait complément à l’éducation française que j’ai reçu jusqu’à mes 18 ans. Elle m’a apporté une ouverture sur le monde dans sa globalité et une certaine confrontation de mes convictions et de mes façons de faire à celles de gens qui avaient souvent des réactions opposées aux miennes, pour autant dans des mondes différents qui fonctionnent très bien. Mon expérience en Asie m’a servi d’études supérieures. Des études sur le tas du mode de vie des gens et d’un certain regard sur le monde ». Là-bas, elle laissera aussi très tôt s’exprimer son talent narratif, notamment dans le documentaire « L’Orient est rock », dédié à la scène rock chinoise et réalisé en 1992. Son film reçoit le prix du jeune reporter au Festival du Scoop et du journalisme d’Angers et sera diffusé sur Arte.

Sarah Neiger en 1989.
©FranckVassal
Aujourd’hui avec Sarahenchine, Sarah Neiger revient à ses premiers amours, à ce qui l’a fait profondément vibrer : l’iconographie. Elle raconte : « j’ai été très jeune passionnée par la presse. A 17 ans, j’ai intégré la rédaction de Sciences et Vie puis je suis rapidement passée au service iconographie et je n’ai plus quitté ce domaine. Mon père était photographe, ma mère directrice artistique. Enfant, je n’ai pas été autorisée à regarder la télévision avant l’âge de 13 ans. Et évidemment mon deuxième métier a été de faire du reportage. L’interdiction de l’accès à l’image a provoqué une curiosité accrue, d’autant que ma nourrice prenait continuellement des photos. Mon intérêt pour l’image découle très certainement de mon histoire familiale. J’ai toujours composé des albums avec des dessins, des collages et aujourd’hui, je ressens toujours ce besoin d’éditer. »

© Félix Cornu
Les photos du catalogue de Sarahenchine ont été chinées au fur et à mesure des années passées en Asie, à Pékin et aujourd’hui par deux amis installés en Thaïlande qui font des sélections depuis les puces locales. Au milieu des propositions, Sarah Neiger s’attache à extraire la photo qui la touche, qui lui parle pour la « faire vivre » comme elle le précise. Il n’y a pas là de considérations matérielles ou techniques mais plutôt une envie de partager la poésie du hasard, un regard sur des photographies d’hommes et de femmes d’Asie oubliées et à qui elle offre une renaissance. En tant qu’amateur de photographie séduit par l’Asie, on est touché par ces sourires et ces regards, par ces scènes quotidiennes à l’ambiance du temps qui passe qui nous invitent à imaginer ce qu’a été la vie de ces anonymes. On suppose un vécu et une histoire uniques. Et devant les productions de masse uniformisées, la possibilité d’avoir son petit trésor bien à soi, choisit de façon instinctive, et qui devient notre bouffée de poésie, voilà finalement ce qui plait dans cette tendance du vintage et dans le catalogue de Sarahenchine.

© Félix Cornu
Le site de l’agence Sarahenchine :
Par Jemina Boraccino