Mordu.e.s de voyages, féru.e.s du continent asiatique, à un moment ou un autre de vos pérégrinations sur le web vous êtes très certainement tombés sur Asian Wanderlust, le blog de Mehdi Fliss. Il regroupe des milliers de personnes autour de ses récits de voyage en Asie et chacun profite de ses conseils avant d’imprimer sa propre carte d’embarquement. Depuis 2015, l’influenceur arpente les routes d’Asie et en dessine un tableau tout en diversité et en subtilités. Pour Molty Mag, il nous parle de sa vision du monde et de la vie. Un véritable hymne au partage et à la liberté.
Originaire de Bizerte, Mehdi Fliss a quitté sa Tunisie natale juste après le bac pour des études d‘ingénieur. Direction la France, puis la Grande Bretagne où il occupe un poste de Project Manager dans une grande entreprise. Une réussite professionnelle – oui – mais qui ne le satisfait pas totalement. Il nous confie : « je sentais qu’il manquait un élément important qui je pense est l’essence même de nos vies : la liberté. J’ai pris conscience qu’avec les responsabilités professionnelles que j’ai acquis au cours de ma carrière, je m’étais construit inconsciemment ma propre cage… » Une série de voyages d’affaires lui ouvre les portes du Japon et développe son goût pour les philosophies extrême-orientales, il signe sa lettre de démission et troque costume cravate contre sac à dos. Le voilà sur les routes d’Asie. Cette année, Tokyo est devenue sa base géographique.

Au-dessus du lac Inle en Birmanie © Asian Wanderlust
Rencontre avec l’Asie
Le coup de cœur est arrivé à la suite d’un voyage au Japon en 2012. Et pour être honnête avec vous, mes sentiments étaient mitigés quand je suis arrivé à Tokyo. Ce n’est pas que je n’ai pas aimé la ville mais j’étais tout simplement perdu. Tout était différent : la langue, la culture, les traditions… tout ! Mais ce sentiment de dépaysement s’est lentement transformé en pur plaisir. Et c’est vraiment à ce moment-là que j’ai réalisé que le monde était vraiment vaste. Depuis ma chère Tunisie ou même depuis mon parcours en Europe, je ne soupçonnais tout simplement pas qu’on puisse vivre de façon si différente ailleurs.
Ce voyage a été un vrai bouleversement dans ma vie et a planté en moi la graine de l’aventure qui a éclot 3 ans après. Mais en plus de l’aventure, c’est également une vision différente de voir les choses que je suis allé chercher en Asie. Il s’en est suivi de nombreuses lectures sur les philosophies de vie orientales et celles qui m’ont sûrement le plus séduit sont l’hindouisme et le taoïsme de Lao Tseu.
Mon tour d’Asie n’est donc pas seulement une découverte de nouvelles contrées mais également une vraie quête initiatique. Marcel Proust le dit d’ailleurs mieux que moi : “Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux.”
Découvrir un tout autre continent, une toute autre culture pour une nouvelle vision du monde
Oui, c’était le but, et l’objectif a très vite été atteint. Et sans être trop démago, ça a véritablement changé ma vie et ça m’a donné des ailes !
Je ne dis pas que ça a toujours été facile et le choc culturel fut parfois rude. Ce qui a sûrement été le plus pénible, c’est peut-être la nourriture. En effet, j’aime la cuisine méditerranéenne et je n’ai jamais été un grand fan de cuisine asiatique auparavant. Mais entre mourir de faim et essayer de nouveaux plats, le choix a été vite fait et je ne le regrette vraiment pas. J’ai découvert de nouvelles saveurs, j’ai surpris mon palet et j’ai appris à apprécier les mets asiatiques. Je suis entre-autre devenu un grand fan du Pad Thai Thailandais, du banh mi et du Pho Vietnamien, du Lok Lac Cambodgien et de toute la cuisine Japonaise de façon générale.

Pagode Shwedagon à Yangon en Bimanie
© Asian Wanderlust
Aller à la rencontre de l’autre
Je dis souvent que quand on voyage seul, on ne le reste jamais. Et c’est donc grâce à ça que j’ai fait de nombreuses rencontres que je n’aurais pas eu l’occasion de faire si je voyageais en groupe. Ensuite, on peut penser que la barrière de la langue peut constituer un vrai problème mais c’est oublier que la communication n’est pas faite que de mots et qu’un grand sourire a sûrement plus de sens qu’une longue conversation.
Rencontrer des locaux a été quelque chose de très facile et ça s’est toujours fait de façon très naturelle. Après tout, je pense sincèrement que c’est dans la nature humaine de se rassembler et d’aller à la rencontre d’autrui. On l’oublie souvent parce que dans les métropoles dans lesquelles on vit, on devient très vite méfiant et égoïste parce que c’est la norme et que notre instinct de survie nous pousse à avoir ce comportement. Mais je pense sincèrement que cette envie de partage reste en nous quoi qu’il arrive et quand le contexte le permet, elle sort de son sommeil et nous pousse vers l’autre.
Et sur ce sujet-là, j’avoue que j’ai beaucoup changé et ce sont mes voyages en Asie qui m’ont rendu plus “humain”. Pour prendre un exemple un peu caricatural, je ne donnais jamais de pièces aux personnes qui font l’aumône. Mes excuses étaient des classiques du style “ 1 euro ne changera pas sa vie” ou encore “il ne faut pas que je l’encourage à ne rien faire”. Mais en voyageant et en voyant de mes yeux la générosité de personnes qui n’avaient rien, je n’ai pas pu m’empêcher de me sentir honteux. J’ai été invité à maintes reprises, notamment en Birmanie par des familles qui n’avaient pas de quoi manger mais qui me remplissaient mon assiette à ras bord, moi étranger, simplement parce que j’étais leur invité. J’ai pris de nombreuses claques et j’ai compris l’importance de donner, de donner sans rien attendre en retour. La bonté n’a pas besoin de récompense et j’adore cette citation un peu dans le même genre :
“Un grand cœur, aucune ingratitude ne le referme, aucune indifférence ne le fatigue.” Tolstoi
L’« enrichissement mutuel »
Je pense qu’on apprend que de nos différences. Je suis également convaincu qu’il faut juger le moins possible quelque chose qu’on ne comprend pas totalement et on se doit de rester à l’écoute et d’apprendre à comprendre autrui. Les cultures asiatiques me passionnent notamment pour ces raisons car elles sont parfois à l’opposé total de nos coutumes et traditions occidentales. Mais c’est finalement ce qui m’intéresse le plus. Mon plus grand cauchemar c’est de voyager de pays en pays et de ne plus voir aucune différence. C’est pour ça que voir des Mc Do d’une ville à une autre me déprime profondément.
Comme on dit, le bonheur n’est pas une destination mais un chemin. C’est un peu pareil pour le voyage. Peu importe le pays, je me donne une direction mais j’essaye d’avoir l’état d’esprit qu’il faut pour profiter du moment présent et de laisser la place aux surprises et à l’aventure.
Bien sûr, j’ai une préférence pour les destinations avec de superbes paysages naturels mais je m’éclate tout autant dans une ambiance citadine.
Je favorise également les pays avec une longue et riche histoire. Les nouveaux pays comme l’Australie ou les USA ne m’ont jamais vraiment attiré par exemple.

Quartier de Roppongi à Tokyo au Japon
© Asian Wanderlust
Votre plus belle rencontre humaine ?
J’hésite car j’ai eu la chance de rencontrer des personnes incroyables mais l’histoire que je vais vous raconter se passe à Mandalay en Birmanie. Je me promenais à vélo dans un quartier assez populaire et je vois un groupe de 4 personnes qui s’agitaient devant moi en criant “tea, tea!”. Devant tant d’engouement, je m’arrête en pensant qu’ils voulaient me vendre du thé. Il s’est avéré qu’ils voulaient m’inviter à boire un thé avec eux dans un restaurant du coin. Je m’assoie avec plaisir et on essaye de communiquer tant bien que mal car ils ne parlaient que très peu anglais.
Ils comprennent en tout cas que je suis étranger et ils se donnent pour mission de me faire goûter toutes les spécialités du coin. Ils appellent le chef et font défiler devant moi leurs plats préférés que je découvre avec grand plaisir avec eux. Mais au milieu du festin qu’ils m’offraient, ils se rendent compte qu’ils n’ont plus un sou en poche. Je sors donc naturellement mon portefeuille pour les aider à payer la suite et c’est alors que les 4 personnes me jettent un regard noir qui, je suppose, voulait dire : pas question que tu payes, tu es notre invité.
Mais être à sec ne les a pas arrêté ! En effet, un des 4 comparses soulève son chapeau et décide de faire le tour des clients pour récolter des sous pour me payer d’autres plats. Je ne savais plus où me mettre, j’étais vraiment gêné de leurs réactions, et la chose vraiment incroyable c’est qu’il n’y a pas un client qui n’ait pas donné au moins un petit billet. Je rappelle qu’on était dans un quartier vraiment populaire de Mandalay et que toutes ces personnes n’avaient pas l’air de rouler sur l’or.
L’argent récolté, on m’apporte 4 plats supplémentaires dont un délicieux bol de Shan Khao Swé, mon plat birman préféré. Ces 4 personnes qui étaient devenus mes amis du jour ont vraiment secoué tous mes principes. Devant tant de générosité, je n’ai pas pu m’empêcher de me poser des questions. Comment des gens qui ont si peu, se permettent d’offrir autant à un inconnu ?
Pour la petite histoire, décidé à leur renvoyer l’ascenseur, je me lève à l’aube le lendemain pour donner l’équivalent de 50 euros au propriétaire du restaurant en précisant que c’est pour mes amis d’hier. Il me répond en rigolant qu’il y a de quoi les nourrir pendant un mois ! Je lui dit soit, je leur doit bien ça…
Un message – pour celui qui voudrait se consacrer au voyage et n’arrive pas à passer le cap
J’ai été dans cette situation et je pense que les barrières qui empêchent de faire le grand pas sont surtout psychologiques : peur d’échouer, peur d’être différent et d’être rejeté par ses proches, peur des potentiels problèmes financiers et j’en passe… Il faut du courage, c’est sûr. Mais je pense aussi qu’il faut un grain de folie et un désir fort d’aventure pour se lancer.
Il faut également s’accorder sur le fait que ce n’est pas pour tout le monde un long voyage de 6 mois, un an ou plus. Et ce n’est pas grave, certaines personnes se plaisent dans leur confort quotidien et il n’y a rien de mal à ça.
En fait, après presque 3 ans de vie nomade, j’ai compris que le désir de voyage vient d’un désir profond de changer. On voyage pour se trouver, ou se retrouver. Et cette aventure permet de se construire, mais si on la débute pour les mauvaises raisons, elle peut également détruire.
Mon conseil c’est donc : ne voyagez pas pour fuir, voyagez pour prendre une nouvelle direction dans votre vie. Voyagez pour donner à vos sens une plus grande perspective. Voyagez pour vous laver de tous les préjugés qui encombrent votre esprit. Voyagez pour apprendre à aimer… à vous aimer.

Rues de Mandalay en Birmanie
© Asian Wanderlust
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